soleilsbleus.bandcamp.com/album/trilles-sb025
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"Deux jeunes femmes comme deux sœurs tournant derviches dans le son d’un moderne folklore : Lise Barkas et Lisa Käuffert alternant chacune aux musettes 14 et 20 pouces, tissant des vents chantants, des bourdons moirés, à l'intérieur desquels Charles Dubois et Florian Tositti marquent sur les peaux de leurs caisses claires et grosses caisses le rythme affolé d'un écho dévorant, d'une transe à venir. Leur musique rêve de s'élever à la façon des nuages sur l'océan, d'emporter des matières acoustiques pour les faire retomber sur scène comme une pluie d'harmoniques, nous emporter avec elle, oreilles ruisselantes.
Lise & Lisa installe un drone, qui s'amplifie dans le sac de peau pressé des cornemuses, parfois s'échappent quelques sifflets, fragments mélodiques d'une belle tristesse, d'antiques dissonances, que clouent à coup de mailloches les deux percussionnistes sur le drapé temporel, accélèrent le rythme jusqu'à l'asphyxie, l'horloge annonçant la stase. La musique a affaire avec la mort.
Musique de corps et de transe, (...) pour autant, ce quartette ouvre sur un champ en friche, un chant nouveau appelant d'anciens folklores à renaître dans une modernité inouïe. Les deux percussionnistes clouent les peaux des tambours pour tenir la cadence dans une extrême lenteur, et les cornemuses de s'enrouler dans l'air, gémissantes, comme prises dans de nocturnes terreurs.
Puis tout s'accélère, les harmoniques se libèrent et s'envolent dans un paysage mouvant, des landes foisonnantes, mille pas frappant le sol, dansant, courant vers … trilles devenues folles, libres, s'échappant vers la voute du ciel. Enfin tout s'apaise, monte comme une bacchanale triste une mélodie cousue de spleen, tailladée des coups de canif d'une horloge disant la fin qui toujours viendra, une vieille mélodie reprise, jouée avant eux par Catherine Perrier et John Wright sous le nom de Fanchon. Et elle mourra, ou renaîtra dans une apocalypse joyeuse de free music finale, batteries emballées, martelées en tout sens, dissonances agonisantes, dans un éternel retour de la ritournelle perdue, puis retrouvée."
Michel Henritzi (Revue & Corrigée # 128, Juin 2021)
